Oligo-éléments et amendements organiques Un article L’AGRO-REPORTER

Posted By Eric Navarro on 16 novembre 2016 | 0 comments


Les Oligos de l’Organique

Les oligo-éléments sont les parents pauvres de l’analyse des produits organiques. En dehors des demandes dites « réglementaires » (comme dans le cas des demandes d’autorisation de mise sur le marché), ou des analyses obligatoires (par exemple en caractérisation des boues valorisées en plan d’épandage ou pour la vérification de la conformité aux normes des matières fertilisantes), ces paramètres sont peu demandés au laboratoire. Les données bibliographiques sur les concentrations et la disponibilité de ces éléments fertilisants dans les produits organiques sont pourtant peu nombreuses. Seuls le cuivre et le zinc font exception, du fait de leur statut mixte d’oligoéléments et d’éléments traces métalliques. Dans cet article, l’AgroReporter diffuse, pour la première fois, des résultats d’analyses sur des produits organiques, effectuées par Auréa AgroSciences et pose la question de la prise en compte de ces apports dans le conseil de fertilisation.

Concentrations des produits organiques en oligo-éléments

Dans les produits organiques tels que les effluents de ferme, les composts ou les boues, l’analyse des oligo-éléments s’effectue après extraction par une solution d’acides forts qui permet de mesurer les concentrations totales, ou pseudo-totales en éléments.  L’interprétation des résultats d’analyses ne peut donc pas se baser sur les référentiels d’interprétation utilisés en analyse de terre, où le résultat exprime une fraction échangeable ou supposée assimilable de l’élément. Néanmoins, les quantités d’éléments disponibles dans les produits organiques ne pourront jamais dépasser les quantités totales !

Le tableau suivant présente une synthèse des concentrations totales en oligo-éléments (Fer, Manganèse, Cuivre, Zinc, Molybdène et Bore) mesurées dans cinq grands types de produits organiques (fumier de bovin, marc de raisin, compost et broyât de déchets verts, compost de Miates normalisé NF U44-095, boue de station d’épuration).  A noter qu’il n’existe pas de publication récente nous permettant de comparer ces valeurs à d’autres sources. Ces résultats sont des moyennes d’analyses, sans approche statistique ni exhaustive, et ne correspondent donc ni à une référence, ni à une norme.

– Ce tableau montre que tous les produits organiques ne se valent pas, du point de vue des apports totaux en oligo-éléments. En fonction des types de produits, leurs concentrations moyennes exprimées sur le sec varient globalement d’un facteur 5 à 10 pour tous les éléments, à l’exception du bore (facteur 2 seulement).

– On note de fortes variations à l’intérieur d’un même type de produit, notamment pour les matières contenant des boues (cas du fer). Les origines des matières, les procédés, ainsi que les complémentations éventuelles réalisées (adjuvants technologiques des boues, compléments nutritionnels des élevages) expliquent ces variations.

– Il faut souligner le manque de données sur certaines matières fertilisantes. Les marcs de raisins sont un exemple parmi d’autres de sous-produits utilisés en agricultures pour lesquels la connaissance des niveaux en oligo-éléments mériterait d’être approfondie.

oligots1 

Tableau 1 : Concentrations en oligo-éléments totaux de quelques produits organiques.  M : moyenne ; ET : écart type ; n : nombre d’échantillons. (Source : Auréa Agrosciences, période 2012-2016)

oligots2 

Apport d’oligo-éléments à la parcelle par les  produits organiques

Le tableau 2 donne la quantité totale d’oligo-éléments apportés aux doses habituelles d’épandage (fréquence de retour de 3 à 5 ans), à partir des concentrations moyennes issues du tableau 1.

 

Tableau 2 : apports totaux d’oligoéléments pour des doses usuelles d’épandage des produits organiques (source : Auréa AgroSciences)

 

Couplée aux doses habituelles d’épandage des produits, la connaissance des concentrations moyennes en oligo-éléments permet de comparer les apports totaux d’oligoélément des produits organiques avec les apports préconisés pour les engrais à teneurs déclarées en oligo-éléments (NF U42-002).

oligots3 

Radar des apports d’oligoéléments par quelques produits organiques, comparés aux apports minimaux selon NF U42-002 des engrais à teneurs déclarées en oligo-éléments sous formes de combinaison organique (*produits non chélatés). Source : Auréa AgroSciences

 

Quel que soit le produit organique pris en compte, aucun n’amène de façon suffisante, en référence à la norme NF U42-002, du Manganèse, Bore et Molybdène.

oligots4 

Radar des apports d’oligoéléments par quelques produits organiques, comparés aux apports maximaux selon NF U42-002 des engrais à teneurs déclarées en oligo-éléments sous formes de combinaison organique (*produits non chélatés). Source : Auréa AgroSciences

 

Bien que beaucoup plus pourvus en Cuivre, Zinc et surtout en Fer, les produits organiques pris en compte ne dépassent pas, à la dose habituelle d’épandage, les apports maximaux préconisés dans la norme des engrais à teneurs déclarées en oligo-éléments.

 

Apport théorique d’oligo-éléments à la plante par les  produits organiques

 

Une approche théorique complémentaire est de ramener la quantité d’oligo-élément apportée aux besoins des cultures.

La figure ci-dessous illustre, à titre d’exemple, le nombre d’années de besoins en bore (un des oligo-éléments le plus facilement assimilable) que pourrait couvrir un apport de produit organique à la dose habituelle d’épandage pour une céréale à paille à 10 t/ha de Matière Sèche (grains + pailles) et pour une vigne à 100 hl (grappes, feuilles et bois) (Source A. Loué ). Le fait de partir du principe que l’oligo-élément apporté est entièrement disponible est, bien évidemment, discutable ; ne pas prendre en compte l’effet de l’apport organique sur la mise à disposition des ressources minérales du sol ou, à l’inverse, les risques de blocage ou de pertes, l’est également (voir ci-après).

Pour la vigne, aucun produit organique étudié ne couvrirait plus de trois ans des besoins en Bore (de 0,7 à  3,1 ans). Pour les céréales à paille, les besoins en Bore seraient couverts pendant 1 à 7 ans avec un apport de produit organique à dose habituelle d’épandage.

 oligots1

Couverture théorique (en nombre d’années) des besoins en Bore de la vigne et des céréales à paille par l’apport de produit organique aux doses usuelles d’épandage. Source : Auréa AgroSciences

 

Selon la culture et le produit organique utilisé, l’apport quantitatif d’oligo-éléments apporté peut donc être significatif. Il est par contre plus difficile d’apprécier l’aspect qualitatif (disponibilité…).

 

Pour aller plus loin…

Ces approches théoriques sont à relativiser. En effet, le sujet apparaît agronomiquement beaucoup plus complexe puisque l’apport organique va aussi modifier le contexte physico chimique,  l’ambiance du sol et le fonctionnement racinaire, autant de paramètres qui peuvent diminuer ou, le plus souvent, améliorer la mise à disposition des oligo-éléments issus des produits apportés ou du sol lui-même. Il y a malheureusement très peu d’études sur ce sujet. Les phénomènes d’interactions ou d’antagonismes (par exemple du fait des fortes teneurs en fer) restent également à travailler. 

On dispose, de même, de très peu de données bibliographiques sur les concentrations, et encore moins sur la biodisponibilité des oligoéléments dans les produits organiques. Environ 70% du cuivre total, et 80% du zinc total des engrais de ferme seraient assimilables par les plantes . Il n’existe pas de références sur la biodisponibilité des autres oligo-éléments issus des effluents de ferme avec, de plus des teneurs très variables, notamment selon la complémentation minérale des animaux. Pour les boues, on estime que le zinc et le manganèse sont disponibles ainsi que le bore, quoique la disponibilité de ce dernier puisse être retardée dans les boues chaulées .

 

Inclure le dosage des oligo-éléments dans l’analyse des produits organiques apparaît comme une étape initiale et nécessaire pour améliorer leur utilisation, surtout lorsqu’il s’agit de produits épandus sur des parcelles  pouvant présenter des risques de carence ou d’excès en certains éléments.

 

Article rédigé par : Marie-Laure Guillotin – Référent Valorisation Organique et Environnement (AUREA AgroSciences) et  Alain Kleiber – Référent nutrition végétale  (AUREA AgroSciences)