Inondations, la faute aussi à l’agriculture intensive

Posted By Eric Navarro on 18 juillet 2016 | 0 comments


La ville où j’ai passé mon enfance a coulé sous les eaux de la Sauldre, affluent du Cher. Dans l’église où j’allais chanter le dimanche, l’eau atteignait 1,20 m. François Hollande s’est déplacé en ami pour faire un petit tour avec monsieur le sénateur-maire, élu PS depuis 30 ans. C’était le compagnon de « Papamadit », et c’est avec lui et quelques amis blésois que François Mitterrand célébra son ultime anniversaire chez un Jack Lang qui se prenait alors pour le dernier des Médicis et le dernier des Valois.

Romorantin, comme les autres villes moyennes, s’est beaucoup étendue. Là où j’allais courir les bois se trouvent maintenant des zones pavillonnaires, des Leclerc, Halle aux chaussures et autres Kiabi au milieu d’hectares de parkings bitumés.

On a dit tout ou presque de cette urbanisation trop souvent ignorante des impératifs de la nature, de ses emportements. Les crues centennales sont centennales, alors on les oublie. Mais l’urbanisation n’est pas seule en cause, et derrière les questions de remembrement, de non-entretien des berges, des canaux, ou de suppression des haies se profile une autre responsabilité, plus importante encore : l’appauvrissement des sols par l’agriculture intensive.

Le site reporterre.net titre ainsi, lundi matin, sur « Ce phénomène naturel [les inondations] aggravé par des pratiques agricoles délétères pour les sols ». On n’aime pas, dans notre pays, accuser les agriculteurs sur lesquels il est plutôt de bon ton de verser des larmes. « Un sol en bon état est riche en matières organiques, c’est-à-dire en petites racines, en petites bêtes et, en particulier, en vers de terre qui creusent des galeries. Le sol est alors poreux, plein de petits trous qui lui permettent d’absorber l’eau », et l’agronome Jacques Caplat précise que des études ont « prouvé qu’un sol vivant pouvait absorber jusqu’à 300 millimètres d’eau par heure ! C’est beaucoup plus que ce qui est tombé ces jours-ci. » Mais avec l’intensification de l’agriculture, « les éponges sont devenues des toiles cirées », dit-il. « On a peu d’arbres et peu de rotation des cultures, donc peu de racines. Le gigantisme des parcelles a entraîné l’utilisation de machines agricoles de plus en plus lourdes, qui tassent le sol. L’eau ne peut plus s’infiltrer ! »

Lydia et Claude Bourguignon, qui dirigent le Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols, tirent depuis 25 ans la sonnette d’alarme. L’utilisation massive des produits phytosanitaires appauvrit dramatiquement les sols, dont le fameux Roundup qui « tue la faune capable d’aérer le sol », et les engrais chimiques qui « minéralisent la matière organique, la brûlent et la consomment trop vite ». De ce fait, « la pluie entraîne la terre, le sol s’érode, la quantité de matière organique diminue. C’est un cycle infernal. »

Conséquence, dit Lydia Bourguignon, « si dans un mois il y a un peu de chaleur, vous allez voir que les agriculteurs vous diront qu’ils ont des sols secs, au risque, même, de devoir irriguer… »

Dans un entretien accordé à un magazine de santé naturelle ce printemps, les deux agronomes se montraient déjà alarmistes : « Aujourd’hui, les sols meurent et les plantes sont malades. On croit faire de l’agriculture, en réalité nous faisons de la gestion de pathologie végétale, à savoir que nous essayons de maintenir en vie des plantes qui devraient mourir tellement elles sont malades. Ce n’est pas ça, l’agriculture ! »

Pour comprendre, ils donnaient ces chiffres : en France, depuis 1950, le taux de matière organique est passé de 4 % à 2 %. Et quand il n’y a plus de matière organique pour nourrir les milliards d’insectes du sol, ils finissent par disparaître. Aujourd’hui, on compte moins de 100 kg de vers de terre à l’hectare au lieu de 2 tonnes autrefois…
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